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L'histoire
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L'histoire en format pdf
Tête de chapitre
     
  Maman est née le 11 janvier 1863 et papa le 6 mars 1866; elle était la cinquième d'une famille de sept enfants : quatre garçons (Auguste, Henri, Victorin et Firmin) et trois filles (Marie, Emilie et Victorine notre chère maman). Papa était le deuxième d'une famille de trois enfants, Marie, Maurice et Auguste notre bon papa. Les parents de notre mère se prénommaient Jean et Sophie, ceux de notre père, Pierre et Marie.

Nos braves parents étaient de familles foncièrement chrétiennes depuis leurs origines. Ils furent baptisés peu après leur naissance et ne fréquentèrent que six mois pour l'un et onze mois pour l'autre, l'unique école située près de l'église. Ils apprirent à lire je ne sais comment, seul Dieu le sait. En tout cas leur paroisse de Beaumont qui comptait un millier d'âmes, était très fervente; sa petite église est toute simple mais les deux cloches se font entendre de très loin; l'une d'elles, la plus grosse, s'appelle « Marie-Thérèse », voici son refrain : « Je m'appelle Marie-Thérèse, dix huit quintaux je pèse; qui ne veut pas croire, qu'il me descende et me remonte à son aise ».

Je m'appelle Marie Thérèse ...

 

 
 

Nous les entendions de chez nous malgré la distance de sept kilomètres. L'église compte quatre autels de marbre et plusieurs belles statues dont celles de la Sainte Vierge et de Saint Joseph qui sont en bois. Les fonds baptismaux surmontés de la statue de Saint Jean Baptiste sont très beaux. Saint François Régis est le Patron de la paroisse; il a sa chapelle et son autel.

Les deux familles étaient très instruites sur la religion, on ne manquait jamais la messe et l'on communiait chaque mois et à toutes les fêtes. Papa et maman faisaient partie d'associations d'alors, du Saint Sacrement et du Saint Rosaire.

Comment se connurent-ils pour enfin s'épouser ? oh ce fut très simple ! Notre mère me raconta un jour de 1934 tout ce que j'écris. Dès son plus jeune âge, Victorine avait désiré la vie religieuse et son choix s'était fixé sur les petites soeurs des pauvres. Mais tous ses frères et soeurs avaient quitté Loriol, la maison paternelle. L'aînée avait épousé Firmin Vielfaure des Deux-Aygues; nos deux oncles et notre tante étaient partis pour les Etats Unis d'Amérique tandis que le plus jeune servait dans un hôtel comme garçon de café dès l'âge de quinze ans. Pauvre maman ! que devenir toute seule avec ses vieux parents infirmes qu'il fallait soigner ? Elle avait près de trente ans et se désolait de ne pouvoir se consacrer à Jésus. Heureusement le bon curé Paladel, son confesseur et directeur lui ordonna de se marier coûte que coûte; mais répondit-elle "je n'aime point d'homme, je ne veux que Dieu seul". Eh bien mon enfant répliqua ce saint prêtre, vous en aimerez un qui sera votre mari; je prierai pour vous et tout ira bien.

La propriété de Loriol est immense, elle avait besoin d'un homme fort et courageux; la Providence et la Vierge Marie que Victorine aimait beaucoup vinrent à son secours. Un beau jour d'été alors qu'elle gardait son petit troupeau, se présenta un jeune homme de vingt six ans qui lui avoua simplement et candidement : "Victorine, veux-tu de moi ? .. je t'aime bien". Alors tout à coup elle fut amoureuse de lui et répondit :" oui je t'aime aussi beaucoup mon brave Auguste". Il était du Blat de la même paroisse; six mois après eurent lieu leurs noces qui furent très modestes, pas de festin ni de voyage, il y avait trop de travail pour s'amuser. Dès le lendemain matin, papa était dans les champs et se mettait à l'ouvrage avec une ardeur incroyable; c'était le 10 janvier 1892.

Deux ans après naissait un gros garçon, Victorin qui fut baptisé le lendemain, en juillet, par une chaleur torride. La marraine commit une imprudence en ôtant le châle qui couvrait le visage du bébé pour le protéger des ardeurs du soleil; l'église était distante de sept kilomètres qu'il fallait parcourir à pied, la figure du pauvre bébé devint toute cramoisie. Quand monsieur le curé aperçut le pauvre enfant atteint déjà dans sa courte vie, il en eut pitié : "ah ! il est baptisé aujourd'hui, demain on l'enterrera", ..... ce ne fut que trop vrai. En effet, au retour, la vieille marraine pleurait, mais c'était trop tard. Le bébé mourut dans les bras de sa maman consternée, c'était son premier enfant et elle avait trente et un ans; papa ne l'était pas moins, il comptait tant sur son premier fils qui était si bien portant à la naissance. Oh ! ne vous désolez pas tant répétait la marraine , c'est un ange au paradis. Les membres de la famille en deuil ne l'écoutaient guère mais lui pardonnèrent en bon chrétiens.