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Ma grand-mère maternelle s'appelait Sophie C. et mourut en 1904 à l'âge de quatre vingt deux ans après une maladie de huit jours. Alors qu'elle était âgée d'une quarantaine d'années, elle fit une chute d'un cerisier et se cassa la jambe; depuis lors elle marchait avec grande difficulté à l'aide d'une canne ou d'un bras secourable. Je vécus avec elle jusque l'âge de huit ans, partageant sa chambre; c'était une femme très pieuse qui m'initia à la religion et m'enseigna le catéchisme. Le prêtre lui portait la communion à la maison, mon frère et moi étions alors chargés de nettoyer le chemin d'accès. Je restais à ses côtés pour faire ses commissions et l'aider à se déplacer. Elle filait la laine toute la journée et gagnait à peine de quoi payer sa ration de pain; nous partagions les friandises que des parents ou des voisins nous donnaient, biscuits, sucre ou chocolat. Je la vis s'éteindre paisiblement en murmurant une ultime prière et j'en ressentis beaucoup de peine. Après sa mort je trouvais la chambre déserte et trop vaste pour moi. |
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Tous mes grands-parents moururent après quatre vingts ans malgré le travail harassant assumé depuis la petite enfance. Mon arrière grand-père maternel. C'était un géant fort comme un turc que l'on appelait le grand Jean-Baptiste, mais il était passablement atteint de la folie des grandeurs; sa marotte consistait à vouloir faire bâtir une vaste maison qui se verrait de loin mais dont il n'avait pas le premier sou. Qu'importe ! il emprunterai. Le devis de la maison se montait à vingt mille francs, eh bien soit ! Aussitôt dit, aussitôt fait; de nombreux ouvriers furent embauchés et se mirent à l'œuvre; il les nourrissait bien et les complimentaient alors que Victoire, sa minuscule femme, se lamentait et priait. Mais non content de cela, par gloriole, il fit paver à ses frais l'église de Beaumont; les archives de la paroisse le mentionnent m'a dit le nouveau curé. « La maison est faite, adieu le maître » dit le dicton. Ce fut vrai pour notre ancêtre chargé d'années et couvert de dettes. Il dut se préparer à la mort et comprit alors sa faute dont il demanda pardon à sa famille de sept enfants. Il supplia son fils aîné, Jean mon grand-père, de rembourser les vingt mille francs; hélas ! cela n'était pas aisé car il n'était pas de constitution solide et grand-mère après son accident ne pouvait faire grand chose. Tout périclitait. L'exil. Les six autres enfants décidèrent alors de s'exiler, trois d'entre eux partirent aux Etats Unis, les autres vers Nîmes et Toulon. Marie, la soeur aînée de maman se maria tout près, aux Deux-Aygues, tandis que maman restait seule pour soigner ses vieux parents. Elle ne pouvait cultiver seule cette grande propriété, il fallait absolument un homme; ce fut donc Auguste B. du Blat qui vint l'aider. Ils se mirent au travail sans relâche dès le lendemain de leurs noces. Le remboursement. A cette époque, en Ardèche, l'élevage du ver à soie était florissant et maman s'y entendait très bien. Au début d'avril on faisait bénir les graines contenues dans des petites boîtes percées. Le travail était alors intense jusque fin mai. On ramassait les feuilles de beaux mûriers qui nous assuraient de bons rendements. La chance fut avec nous; chaque année la récolte de cocons nous rapportait huit cents francs environ, ce qui permit à mes parents de rembourser la dette en seize ans. Papa et maman avaient réussi ce tour de force grâce à leur travail acharné et leur esprit d'économie. Notre brave mère qui avait eu cinq enfants, en avait élevé trois autres : Victorine B., la fille de l'oncle Maurice dont la maman était malade, puis Joseph mon frère de lait que j'aimais beaucoup et enfin un autre enfant de l'assistance dont je ne me souviens guère. Maman vendait les produits de la ferme, beurre, oeufs, fromages... c'était une femme forte comme en décrit la Bible. Papa aussi fut un modèle d'endurance et de courage; il n'avait aucune bête de somme et devait en conséquence porter sur son dos des charges énormes; de plus il allait travailler sur les routes et les ponts que l'on construisait en ces années-là à la fin du dix neuvième siècle. Nos parents ont semé dans la peine par un dur labeur et nous, leurs enfants, avons récolté dans la joie et l'abondance. Chagrin d'enfance. Laissez-moi vous raconter un de mes chagrins d'enfance. Un jour, alors que j'avais dix ans, mes parents m'avaient confié la garde de la maison. Mon frère Henri et Joseph ainsi qu'un petit cousin Hippolyte Vielfaure jouaient ensemble. Ils se mirent dans la tête de faire un enterrement; pour cela ils leur fallait un mort ou une morte. Sans me le demander, ils allèrent chercher ma jolie poupée et la mirent dans une boîte qui servait de cercueil. La cérémonie funèbre eut lieu dans la grande magnanerie. De force ils me mirent un grand châle noir sur la tête et je dus assister aux obsèques; je pleurais à chaudes larmes. Malgré mes supplications, je ne pus attendrir les trois gamins qui allèrent avec pelle et pioche, enterrer à un mètre de profondeur au pied d'une treille, ma poupée chérie. Quand ils furent partis, je me dépêchais de déterrer "la défunte". Mais quelle horreur ! ma poupée n'était plus que morceaux recouverts de terre. Lorsque mes parents rentrèrent, ils me consolèrent et me promirent une autre poupée encore plus belle. La première était brune, la seconde serait blonde; ils la payèrent douze sous, une somme ! |