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Je la méritais cette récompense car en plus de soigner mon jeune frère qui était beau et robuste, je ne ménageais pas ma peine. La propriété qui était dans une zone montagneuse demandait beaucoup de travail et de temps : il fallait ramasser tour à tour les châtaignes, les olives et les pommes de terre, épandre le fumier, recueillir les feuilles de mûrier pour nourrir les vers à soie. La main d'oeuvre faisait défaut et mes frères étaient encore trop jeunes pour travailler; grâce à ma forte constitution j'aidais beaucoup papa aux travaux des champs; dès l'âge de six ans, mon petit sac attaché à la ceinture, je le suivais partout. . |
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Cette vie au grand air me donnait une bonne santé; je ne fus jamais malade avant l'âge de quatorze ans. Par contre mes études furent sacrifiées; après la classe je n'avais guère le temps d'apprendre mes leçons, car bien de la besogne m'attendait à la maison quand je ne devais pas aller chercher de l'herbe pour les lapins. Seul le catéchisme ne fut pas négligé; nous allions à l'église deux fois par semaine pendant deux ans pour nous préparer à la première communion qui se faisait alors à l'âge de onze ans. Juste avant ce qui devait devenir le plus beau jour de notre jeunesse, nous avions une retraite de trois jours où l'on faisait une confession générale; ainsi purifiés, nous étions prêts à recevoir Jésus pour la première fois. Par ce dimanche du 5 mai 1907, nous étions quarante et un enfants rayonnants de bonheur. La pluie ne parvint pas à gâcher ce beau jour, même si en arrivant à la maison ma belle toilette blanche était toute détrempée. Le grand jour C'était l'évêque de Viviers, Monseigneur Bonnel qui officiait; il était très âgé. Il nous parla longuement du sacrement et nous interrogea tous à tour de rôle. Je dûs répondre à la question dont je connaissais parfaitement la réponse : "Qu'est-ce que la communion des saints ?". J'étais tellement transportée que je ne pus manger ce soir là; je fis alors le voeu de faire la Volonté de Dieu jusqu'à mon dernier soupir. L'émigration Nous avions fait la connaissance de Monseigneur Albert Pascal, originaire de Notre-Dame de Bonsecours; il était alors évêque de Prince Albert, ville de la région du Saskatchewan plus étendue que la France. Il cherchait des colons français pour peupler ce vaste pays aux ressources illimitées; son cousin l'abbé Pascal, curé de Vans, invita papa à aller le voir pour de plus amples informations. Papa revint enchanté de cet entretien et décida de partir au plus vite. Après avoir vendu tout ce qui pouvait l'être, nous embarquâmes le 28 mars 1908 au Havre sur le "Pomeranian". La traversée fut froide et pénible, les treize jours de mer nous parurent très longs. Le ciel était toujours couvert et un vent violent aggravait fortement le roulis et le tangage. Nous étions traités comme du vil bétail, les cabines n'étaient pas aérées et leur saleté était repoussante. Maman et François contractèrent une grippe qui dura tout le voyage et notre frère Henri fut atteint d'une double pleurésie. Il délirait et ne nous reconnaissait plus. On le transporta sans connaissance dans un hôpital du port de Halifax où il resta quatre mois. Heureusement, l'aumônier catholique réussit à faire prendre en charge les frais par la compagnie maritime. Seuls papa et moi restèrent en bonne santé. Arrivés à Montréal, nous ne savions où aller; nous ne parlions évidemment pas un seul mot d'anglais et nos billets de transport ne prévoyaient rien au delà de cette grande ville. Un agent de police aimable et serviable nous demanda où nous nous rendions. - Chez un compatriote ardéchois, Monseigneur
Pascal, évêque de Prince Albert. Maman le remercia ainsi que Dieu. Nous fûmes reçus fraternellement; les lits étaient confortables et le souper très bon; et cela ne nous coûta qu'une piastre. La maîtresse de maison s'étant inquiétée de notre destination, nous informa qu'elle avait chez elle un missionnaire colonisateur originaire d'Auvergne qui cherchait précisément des colons pour une paroisse fondée en l'honneur de la Vierge Marie dans le Saskatchewan, « suivez-le » nous conseilla-t-elle après nous avoir promis de nous présenter. Le prêtre fut heureux de nous compter parmi ses futurs paroissiens et nous informa que nous ne serions pas seuls à l'accompagner. Au terme d'un voyage de quatre jours et quatre nuits en chemin de fer, nous arrivâmes à Swift Current, ville la plus proche de la nouvelle colonie que le prêtre avait baptisée "Notre-Dame d'Auvergne". La petite gare de Swift Current était toute récente. Le premier mois nous vécûmes dans la maison que le gouvernement mettait à la disposition des nouveaux immigrants très nombreux en cette année 1908. Des personnes d'origines diverses cohabitaient dans un très bon esprit. Les hommes vivaient loin de nous sous la tente et repéraient les terres tout en surveillant les boeufs. Au bout d'un mois, femmes et enfants partirent rejoindre les hommes dans leur nouveau lieu de vie. La colonie de "Notre Dame d'Auvergne" se trouvait à soixante dix kilomètres qu'il fallait parcourir en chariots tirés par deux boeufs, ce qui prenait deux à trois jours; nous nous égarâmes à plusieurs reprises car il n'y avait pas de routes tracées et aucun pont n'avait été jeté sur les rivières. Nous traversions le vaste plateau de l'ouest canadien, interminable prairie totalement dépourvue d'arbres sur laquelle erraient les troupeaux de buffalos, les petits loups des prairies et toutes sortes de gibiers. |