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Arrivés à destination, maman prépara dans la grande marmite une bonne soupe de riz, des patates, des oeufs, du pain et du lait frais fourni par notre vache blanche qui donnait ses quinze litres par jour. Nous étions une quinzaine de personnes à vivre sous une grande tente; l'ambiance était très bonne et les hommes goûtaient avec reconnaissance à la cuisine de maman. Chaque homme possédait son fusil et revenait de la chasse chargé de gibier : cabris, chevreuils, outardes, poules de prairie, bécassines, lièvres ou lapins blancs; de plus la rivière était très poissonneuse aussi la pêche, très facile, était-elle l'occupation favorite des enfants. Il nous incombait aussi de maintenir le fourneau en fonctionnement, ce que nous faisions avec les brindilles prélevées sur les buissons et du "charbon de prairie", c'est-à-dire de la bouse de vache séchée que nous allions ramasser. |
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Monsieur le curé célébrait la messe sous notre tente, en disposant une petite valise-chapelle sur une grande caisse qui tenait lieu de table et d'autel. Un dimanche pendant la messe, un incident se produisit qui nous mit dans l'embarras; nous avions en effet quatre poules grises qui vivaient à l'extérieur mais avaient pris l'habitude de venir pondre dans la tente sous un lit; or l'une d'elles, ce dimanche, après avoir pondu, sauta sur le lit près de l'autel et se mit à caqueter fièrement. Elle provoqua bien sûr le sourire des paroissiens... et notre gêne, mais Monsieur le curé fit comme si de rien n'était. Un autre jour un violent orage détrempa la terre et fit s'effondrer notre tente que les hommes vinrent redresser; heureusement le soleil revint assez vite et nous sécha rapidement car nous avions été mouillés jusqu'aux os. Malgré la rareté des denrées tout le monde était de bonne humeur, surtout les enfants. Mon jeune frère François jouait toute la journée avec Auguste Cavalerie qui avait trois ans comme lui. Nous avions entrepris de cultiver un petit jardin où ce que nous semions poussait très bien, malheureusement les "gophers", sorte d'écureuils, dévoraient les plantes jusqu'à la racine. Pour protéger nos plantations nous posâmes des pièges et utilisâmes même du poison, tant et si bien que les gophers finirent par disparaître. Notre père avait deux boeufs forts et patients qu'il avait baptisés "bread" et "bock". Pour labourer son terrain il les attelait à une araire qu'il devait guider en tenant les manches; c'était une machine bien rudimentaire dont le soc bien aiguisé retournait la terre noire. Je le suivais pour ramasser les pierres que la charrue avait soulevées et les mettre en bordure des champs. Mon père me confiait aussi le fouet, mais mes coups retenus n'avaient pour effet que de chasser les moustiques qui agaçaient les boeufs. Cette année là nous ne plantâmes que des pommes de terre car la tourbe vierge était trop dure pour faire germer du blé. L'été se passa très bien. Fin juillet Henri revint d'Halifax complètement guéri, François, lui, toujours gai et sage, grandissait adoré de tous. Les buissons qui poussaient le long de la rivière nous fournirent une bonne provision de petit bois et les pâturages ne manquaient pas de "charbon des prairies". Nous aurions préféré du vrai charbon mais les mines et la ville étaient trop loin pour aller s'y approvisionner. Il nous fallait absolument un toît, aussi fîmes-nous bâtir une maison de bois à deux étages de six mètres sur quatre. Monsieur Langevin qui était un habile menuisier ne mit que quatre jours à la construire; papa le paya avec sa carabine qui ne lui servait guère car sa myopie en faisait un piètre chasseur. Maman faisait deux fois par semaine un pain succulent;
au reste de pâte, elle rajoutait des oeufs et du sucre et nous confectionnait
d'excellentes brioches dont nous faisions un festin. C'est François
qui en portait à papa qui travaillait aux champs. Lorsqu'il faisait très froid en hiver, maman
pour nous réchauffer, nous faisait exécuter des rondes en
chantant : |